Quand la vie devient trop dure, quoi de plus tentant que d’avaler une
boisson (un philtre, disait-on dans le vocabulaire ancien de la sorcellerie),
manger une fleur, ou fumer une plante qui vous plongerait dans un profond
sommeil, vous faisant tout oublier ??
Mais j’y reviendrai plus loin.
Pour l’instant, je vous donne ma liste des huit meilleures plantes qui
relaxent et donnent un sommeil réparateur. En effet, les plantes soporifiques
plus violentes assomment, anesthésient même, et peuvent parfois tuer, mais
quand vous vous réveillez (si vous vous réveillez !), vous êtes encore
plus patraque qu’avant.
Dans l’ordre des meilleures plantes douces, je citerai :
La valériane, le houblon, la passiflore, l’aubépine, le tilleul, la
ballote, le coquelicot (pétales), la verveine officinale.
La valériane (Valeriana
officinalis) est de loin la plus reconnue et la plus documentée de
ces plantes.
Elle soulage l’agitation et les troubles du sommeil dûs à des états
nerveux. Plusieurs études confirment son efficacité comme sédatif (calmant)
pour l’insomnie passagère [1]. Son principal mécanisme d’action passe par le
système GABA (gamma amino butyrique acide), le neurotransmetteur de la
relaxation [2].
Les dosages de valériane recommandés vont de 3 à 9 g de racine
séchée par jour. En teinture, la dose usuelle est de 2,5 à 5ml par
jour, ou 30 à 60 gouttes jusqu’à 4 fois par jour. Les extraits
standardisés existent sous deux concentrations, soit 0,4 % ou 0,8 %
d’acide valérénique, et la dose varie de 400 à 900 mg au coucher. Les
principes actifs de la valériane sont surtout liposolubles (soluble dans un
corps gras), ce qui fait qu’elle est peu efficace sous forme de tisane.
Le houblon est plus connu pour la fabrication de la bière, mais il est
très efficace pour les états anxieux, l’agitation et les troubles du sommeil.
Il faut en prendre 0,5 à 1 g, 3 fois par jour. En teinture, la
dose habituelle est de 1 à 2 ml, 3 à 4 fois par jour, selon
vos besoins.
Le (gros) inconvénient pour moi de la tisane vespérale (celle qu’on
prend le soir) est qu’elle remplit la vessie au mauvais moment… Les hommes d’un
certain âge, que la prostate taquine, sont alors réveillés par cette pressante
envie, se lèvent, réveillent leur conjointe au passage, et voilà une nouvelle
nuit ruinée.
L’avantage, également, des comprimés est que vous y retrouvez le
« totum » de la plante, c’est-à-dire toutes les parties, alors que
vous n’avez dans la tisane que les composés qui se dissolvent spontanément dans
l’eau chaude.
Les teintures (plante ayant macéré dans l’alcool) sont pratiques car
quelques gouttes suffisent, diluées dans un fond d’eau, tout comme les huiles
essentielles, diluées dans un peu d’huile d’amande douce.
Si vous préférez malgré tout faire de la tisane, veillez à ne pas
utiliser d’eau bouillante qui peut détruire certains arômes et principes
actifs. La température idéale d’infusion est autour de 85-90°C. Les amateurs de
thé ont d’ailleurs l’habitude de dire qu’il faut de l’eau
« frémissante » et non bouillante.
N’hésitez pas enfin à essayer plusieurs plantes, car chacun réagira
selon son tempérament. Vous pouvez également faire des combinaisons, comme par
exemple un mélange valériane/houblon/passiflore.
L’association valériane/houblon en particulier a fait l’objet de
plusieurs études cliniques, dont une dans laquelle on l’a comparée à une
benzodiazépine, le lorazépam (Ativan). La combinaison valériane-houblon a été
aussi efficace que l’Ativan et a occasionné moins de diminution de la vigilance
et d’effet résiduel le matin [3].
Vous vous souvenez de l’histoire d’Ulysse lorsqu’il accosta sur la terre
des Lotophages, légendaires mangeurs de la plante de lotos :
« Dès que mes compagnons
eurent mangé le doux lotos, ils ne songèrent plus ni à leur message, ni au
retour ; mais, pleins d’oubli, ils voulaient rester avec les Lotophages et
manger du lotos. Et, les reconduisant aux navires, malgré leurs larmes, je les
attachai sous les bancs de la cale ; et j’ordonnai à mes chers compagnons
de se hâter de monter dans nos navires rapides, de peur qu’en mangeant le
lotos, ils oubliassent le retour. » (Homère, L’Odyssée)
Tout oublier, c’est l’effet recherché. Ulysse est obligé « d’attacher ses chers compagnons »
aux bancs du bateau pour les emporter, « malgré leurs larmes »… Cela n’est pas
sans rappeler un drogué réclamant sa dose !
Mais les hommes connaissent de nombreuses plantes qui plongent dans un
profond sommeil et font tout oublier : le pavot, dont sont dérivées
l’héroïne et la morphine utilisée en médecine ; les solanacées, une grande
famille de plantes à laquelle appartiennent les pommes de terre, les tomates,
les poivrons, les aubergines… Elles contiennent un poison, la solanine, qui
peut plonger dans le coma et entraîner la mort. Utiliser des feuilles de
tomates pour une infusion est potentiellement mortel [4].
Leur problème est que ces plantes soporifiques ne “reposent” pas. Mais
ce n’est pas forcément l’effet recherché !
Dans la famille des solanacées, la plante la plus connue pour ses effets
soporifiques est la belladone, qu’on utilisait encore pour anesthésier les
malades au XIXe siècle.
Lors des sabbats, au Moyen Âge, les sorcières mélangeaient la belladone
à d’autres plantes toxiques pour former une pommade. Appliquée sur la peau,
elle provoquait des hallucinations. Les sorcières avaient alors l’impression de
voler ou encore de voir le diable [5].
Le nom belladone vient de l’italien bella donna, « belle dame ». À
la Renaissance, les Italiennes élégantes instillaient dans leurs yeux du jus de
belladonne, ce qui dilate la pupille et donne un regard profond et chargé de
désir. Nous avons en effet cette réaction naturelle d’avoir la pupille qui se
dilate devant un objet suscitant notre envie, et des expériences ont montré que
c’est également le cas en amour, ce qui fait réagir la personne regardée, qui
se sent désirée.
La belladonne faisait aussi légèrement loucher, ce qui, à l’époque,
était un signe de beauté, d’où l’expression « avoir une coquetterie dans
l’œil ».
Aujourd’hui, la belladonne est strictement réservée à l’usage
pharmaceutique. À petite dose, elle est un calmant et un puissant antidouleur.
On l’utilise contre la toux, mais ses effets toxiques pour le système nerveux
ont entraîné sa suppression de nombreuses spécialités pharmaceutiques.
L’usage de la belladonne comme drogue hallucinogène
est largement tombé dans l’oubli – au profit de drogues chimiques comme
l’ecstazy ou le crack dont on ne sait pas trop si elles sont moins ou plus
dangereuses…
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